Mes sarcasmes ne sont que le sombre vernis de mon âme~ [finie]

Autrefois, Dionysos était pieux, respectueux des siens, empli de compassion pour tout ceux qui l'entouraient et baigné dans un charisme qui forçait le respect. En somme, il avait peu à envier à sa sœur Athéna qu'il considérait malgré tout comme un modèle absolu. Il n'est plus que l'ombre de lui-même aujourd'hui, à moitié rendu fou par un si long isolement. Son retour subite à la réalité du contact social l'a poussé à sombrer dans la décadence et dans les plaisirs éphémères, à s'engouffrer dans tout ce qui a pu ne serait-ce que le divertir et occuper son esprits quelques temps. Il erre sur son île, habillé des plus simplement, sans la moindre once de responsabilité envers ceux qui habitent son île, alors qu'il profite malgré tout d'eux en donnant vie à ses coûteuses fantaisies.

Un palais fantasque, des jardins privés en plein milieu du désert. Rien n'est désormais capable d'avoir raison de son égocentrisme et de ses caprices, et quand bien même ce qu'il désire lui résiste, il n'hésitera pas à faire usage de ruses en tout genres pour atteindre son but. Il n'en reste pas moins un Dieu cultivé, qui se complaît dans l'usage de citations et d'un langage soutenu, disposant encore d'une once de son honneur passé et qui respecte toujours les quelques rares promesses qu'on peut à force de persévérance lui soutirer. Ce qu'il fut et ce qu'il est sont deux ennemis mortels en conflit perpétuel qui auraient chacun préféré que l'autre n'ait jamais existé. Il est à l'heure actuelle impossible de savoir lequel prendra le pas sur l'autre à terme...

La vie de Dionysos commence dans le monde des Merveilles, au cœur d'une fratrie qu'il aime d'un amour sincère. Son enfance est faite de jeux insouciants, de vagues caprices, de voix ; les chuchotements de nulle part, qui sont en fait les voix des cœurs de ceux qui sont autour de lui. Cela le trouble au plus haut point, constant observateur de choses qu'il ne veut pas voir. Il trouve son réconfort dans les livres, dans l'isolement.

Il finit par assumer ses pouvoirs et par sortir le nez des livres (la lecture restant malgré tout une de ses occupations favorites par la suite). Les tensions commencent à grandir entre sa mère et lui, rejetant les ambitions qu'elle fait passer à travers lui, mais il hérite tout de même de l'île d'Ouraga, sur laquelle il s'emploie à devenir un dirigeant exemplaire, notamment en libérant par la ruse les dragons du joug des Cyclopes, répudiant l'idée même de vaincre par la violence.

Il en vient à trouver son âme-soeur une elfe, brûlants tous deux d'un amour passionné réciproque. Ils ne tardent pas à se marier dans les sublimes forêts d'émeraude de l'île. Ainsi se poursuit son règne, pacifique et prospère, du moins le croit-il. Se croyant de par son pouvoir à l'abri de toute trahison, il baisse sa garde, son tempérament idéaliste l'empêche de voir la corruption s'étendre tout autour de lui, des bas-fonds de la ville jusqu'au cœur de son château. Ses ennemis, aussi nombreux soient-ils, ne sont pas dupes : il leur est impossible d'affronter le Dieu frontalement sans que leur plan ne soit voué immédiatement à l'échec. Il leur faut une faille. Quelque chose en lui qui soit mortel, fragile.

Sa femme est assassinée. Dionysos plonge dans une tristesse insondable et profonde, reniant tous ceux qui l'entourent jusqu'à sa fratrie. Son peuple le voit comme un monstre, d'autant que la rage et la mélancolie qui se mêlent dans son esprit balayent l'île de déluges incessants, grandissants. Il en finit par préserver la vie des siens en les chassant de son île, mais malgré tout les dragons refusent de partir. Il concède à leur requête, en leur demandant de garder l'île et de ne laisser entrer quiconque, pas même son frère ou ses sœurs. Il s'enferme dans sa bibliothèque près de trois siècles, rongé par la folie et la solitude.

Remémorant ces tristes souvenirs, Dionysos se tient sur une falaise, contemplant la mer de nuage face à lui, le visage balayé par l'air sec de l'île. Au loin, il aperçoit une multitude de dragons portant avec eux une foule de passagers. En s'approchant, les vagues murmures de leurs pensées se font entendre dans l'esprit du Dieu ; il y a là des espoirs, des volontés de changer de vie, des cœurs enjoués désireux de découvrir le nouveau monde étrange qui s'offre à eux à bras ouverts.

Pour la première fois en 300 ans, la pluie se met à tomber sur Ouraga